Les médias nous exposent beaucoup les difficultés économiques actuelles de la France, qui ont des impacts indéniables sur les RH. Mais qu’en est-il chez nos voisins allemands ?
Décryptons dans cet article les enjeux RH en Allemagne pour cette fin 2024. En effet, ce sujet peut avoir des impacts sur vos opportunités dans le recrutement transfrontalier franco-allemand.
Préambule : l’herbe est-elle plus verte en Allemagne ?
Cette année 2024 est impressionnante ! Une année pleine de divergences d’opinion et d’évolutions sociales divisantes, des guerres sans fin visible, des stagnations économiques dans de nombreux pays, des élections dans près de 70 pays où seules des issues floues et totalement opposées sont en vue, … et la liste des défis continue sans fin.
« En Allemagne, tout est mieux! »,
« Les allemands sont plus intelligents! »,
« Ca vient d’Allemagne donc c’est forcément bien! »
Qui n’a pas grandi avec ces phrases dans les oreilles? L’Allemagne est un pays synonyme d’excellence et a toujours généré l’admiration du reste du monde et notamment de ses voisins français.
Mais aujourd’hui, l’Allemagne traverse une période pleine de défis, avec des impacts forts sur ses enjeux RH. Ce pays, longtemps considéré comme un modèle pour la France, est aujourd’hui sur le chemin pour devenir à nouveau l’homme malade de l’Europe.
Une étude Ipsos qui en dit long
Selon une étude Ipsos, 67% des Allemands considèrent la société allemande comme brisée et seuls 11% pensent le contraire. Il est difficile de trouver un peuple plus pessimiste dans le monde. En 2024, une majorité d’Allemands (59 %) pense également que les politiciens ne s’occupent pas de la population. Le gouvernement actuel détient d’ailleurs selon divers sondages un record dont il aurait sûrement pu se passer: Il s’agit du gouvernement le moins populaire de l’histoire du pays. L’Allemagne est-elle en train de décliner ? Cette opinion est également partagée par 63% des Allemands, dont le pays n’a pas connu de croissance économique annuelle supérieure à 1% depuis la fin de la pandémie.
La situation actuelle en France est souvent mal perçue aussi et on en débat au quotidien. Mais quelles sont les difficultés RH avec lesquelles nos amis d’outre-rhin sont confrontés en termes de ressources humaines et quelles solutions existent dans ce pays ? Penchons nous sur ces enjeux et sur la manière dont les responsables RH allemands peuvent en tirer parti.
ÉvolUtions globales des enjeux En ALLEMAGNE en 2024
Dans l’ensemble, le chômage en Allemagne reste relativement stable. Il a baissé de 6% à 5% en 2021. Puis il remonté à 6% à la fin 2023. Enfin cette année, le taux a peu changé et se situe toujours à 6%. Alors qu’en France, on observe une stabilité en 2024 dans les alentours de 7%.
On observe toutefois un net recul allemand dans le domaine des offres d’emploi. Depuis la fin de la pandémie et jusqu’au début de l’année 2023, le nombre d’offres d’emploi a doublé. Depuis, il est en baisse. En 2024, la situation n’a pas changé. Sur Indeed, les offres d’emploi ont diminué de 15,3% depuis le début de l’année (situation au 24.5.2024). Dans ce contexte, il ne faut pas s’attendre à une amélioration du taux de chômage à court terme.
En 2024, une augmentation nominale des salaires de 4,7% est attendue. Le salaire réel (salaire qui tient compte de l’inflation ou de la déflation) a plutôt eu tendance à diminuer en Allemagne au cours des 5 dernières années. En 2024, il semble toutefois que l’évolution soit plutôt positive puisque le salaire réel a augmenté de quelques points de pourcentage (3,8% au premier trimestre, 3,1% au deuxième trimestre).
Le salaire minimum était déjà passé de 12€ à 12,41€ en 2024. Le 1er janvier 2025, le salaire minimum passera à 12.81€.
Une force de travail frustrée
« Aller travailler, c’est la folie ordinaire ! » « Je suis trop stressé au travail ! » « Je n’ai plus de temps libre ! »
Vous entendez probablement ces phrases à maintes reprises ? Peut-être pensez-vous la même chose ? Les allemands ne sont pas différents aujourd’hui.
Sur les lieux de travail allemands, l’insatisfaction a atteint des records. Depuis 2012, elle n’a jamais touché autant de personnes. Selon une étude Gallup, environ un cinquième des employés allemands se disent insatisfaits de leur travail et près de la moitié cherchent un nouveau travail ou sont prêts à changer d’employeur. En 2018, deux tiers des Allemands voulaient encore travailler pour le même employeur dans les trois prochaines années. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 40%. C’est une évolution inquiétante pour les responsables RH, non seulement parce qu’ils sont responsables de la satisfaction et de l’engagement des employés, mais aussi parce que cela représente une perte de productivité d’environ 150 millions d’euros au niveau de la première économie européenne.
Souhaitez-vous également faire face à cette évolution dans votre entreprise et économiser de l’argent et des talents qualifiés ? Pour ce faire, un accompagnement de transformations et/ou un travail sur la marque employeur peut souvent conduire à une motivation accrue et à de meilleurs résultats.
Le télétravail est indispensable
Le télétravail a fait irruption dans notre quotidien pendant la pandémie. Sa place est désormais incontournable en Allemagne. Dans ce pays, le travail à domicile s’instaure comme une habitude pour beaucoup de personnes, même sans le déclencheur initial.
Environ un quart des Allemands travaillent aujourd’hui à domicile, parfois que partiellement. Certes, le nombre d’employés travaillant à domicile a légèrement diminué depuis 2020, mais il reste relativement stable en 2024.
L’évolution du télétravail depuis la pandémie en Allemagne
Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas eu de changement depuis 2020 au niveau du télétravail ? Au contraire ! Seule la diffusion est restée stable. La popularité continue d’augmenter. Bien que le télétravail ne se soit largement répandu qu’en 2020, ce n’est qu’après qu’il est vraiment devenu un « must » pour les entreprises allemandes.
Selon les études de PwC, en 2021, pour environ 67% des employés, la possibilité de travailler à domicile était importante dans le choix de l’employeur. Pour 20% d’entre eux, c’était décisif. Ce chiffre a augmenté de manière spectaculaire jusqu’en 2023. Pour 82% des salariés, il est considéré comme important et pour 39% comme décisif. Bien qu’en 2020, les employés étaient encore divisés sur la question de la productivité du bureau à domicile, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à être convaincus que oui.
Les employeurs ont également pris cette évolution à cœur et partagent cette passion avec leurs employés. En 2020, les employeurs ne savaient pas encore si le télétravail contribuait à la productivité. Aujourd’hui, la majorité est toutefois convaincue que c’est le cas. Selon une étude de l’Ifo de juin 2024, seules 4% des entreprises veulent le supprimer. Les trois quarts des entreprises veulent le maintenir. La part des offres d’emploi en télétravail sur Indeed avait explosé jusqu’en 2023, mais reste relativement stable à 15% des offres d’emploi selon les données de mi-2024.
Le télétravail aujourd’hui en Allemagne, un enjeu RH incontournable
Pour une entreprise, il n’est donc plus envisageable aujourd’hui de renoncer à ce nouveau mode de travail et une adaptation est nécessaire pour continuer à attirer des candidats et à fidéliser les collaborateurs. Bien sûr, cela implique aussi de nombreuses questions et défis :
- Comment confirmer précisément le temps de travail des employés ?
- Comment gérer le manque de contact entre collègues et le manque de communication ?
- Comment doit-on gérer la séparation entre la vie personnelle et la vie professionnelle ?
Le télétravail est un phénomène historiquement inconnu qui a fait irruption de manière si soudaine dans notre quotidien. Y trouver aujourd’hui des solutions adaptées et en développer le potentiel doit être une priorité pour les entreprises.
Fini la semaine de 5 jours
C’est incroyable, non ? Au XIXe siècle, les gens travaillaient souvent 70 heures par semaine, et cela six jours par semaine. Au vingtième siècle, la semaine de cinq jours et de 40 heures a fait son apparition, mais ce n’est évidemment pas la fin de l’histoire.
Cela aussi pourrait bientôt basculer, car un nouveau modèle est de plus en plus envisagé comme la nouvelle norme du XXIe siècle : La semaine de quatre jours.
Cette prétendue « mauvaise blague » a déjà été testé dans des pays comme la Grande-Bretagne. L’Allemagne a également décidé entre février et septembre 2024 de se tourner davantage vers ce nouveau modèle de travail.
45 entreprises allemandes, principalement des PME, ont décidé d’expérimenter la semaine de quatre jours. Toutefois, le temps de travail quotidien a également été prolongé afin que ce temps hebdomadaire ne diminue que de 10%.
- Mais une réduction de 20% des jours de travail est-elle vraiment envisageable dans un tel contexte ?
- L’Allemagne peut-elle vraiment y faire face et rester compétitive ?
Étonnamment, cette expérience a été jugée très positive non seulement par les employés allemands, mais aussi par les employeurs. Le chiffre d’affaires serait resté globalement stable. 73% des entreprises concernées sont même prêtes à poursuivre ce modèle.
En période de stagnation économique et d’incertitude, la recherche de nouveaux modèles comme la semaine de quatre jours est indispensable. Le succès de l’expérience pose la question de savoir s’il faut envisager une diffusion à plus grande échelle. Cela peut-il être envisageable pour d’autres pays européens comme la France?
De nouveaux contrats de travail conquièrent le marché
Avez-vous déjà travaillé dans une entreprise où une personne clé vient de partir ? Il est probable que vous ayez ensuite cherché un remplaçant pendant de longs mois.
Ce genre de situation arrive souvent et l’absence d’une telle personne sur une longue durée peut avoir de graves conséquences financières et organisationnelles. Les entreprises se trouvant dans une telle situation ne parviennent souvent pas à atteindre leurs objectifs. Depuis quelques décennies, de plus en plus d’entreprises allemandes se sont tournées vers le management de transition.
Ce dernier consiste à mettre une personne de remplacement à la disposition de l’entreprise en l’espace de quelques jours. Cette personne n’est pas engagée comme un employé classique, mais travaille dans l’entreprise pendant quelques mois, sans congés ni cotisations patronales, jusqu’à ce que le remplaçant soit trouvé.
Le marché du management de transition allemand représentait 80 millions d’euros en 2002. En 2010, il s’élevait à 640 millions. Aujourd’hui, il atteint presque 3 milliards et la croissance ne s’arrête pas là. Pour comparaison, en France, le marché s’approche seulement du milliard d’euros. Environ 11 500 managers de transition sont actifs en Allemagne.
une population vieillissante
« Les allemands sont âgés et riches », c’est l’un des divers clichés que nous avons sur nos voisins.
Ce pays avait certes rapidement dépassé la population française au XIXe siècle. Mais aujourd’hui il se confronte à une dénatalité effrayante. Alors que les naissances sont restées stables en France ce dernier siècle, elles ont été divisées par deux en Allemagne sur la même période. Depuis le début du dernier siècle, le taux de natalité n’a cessé de diminuer et l’Allemagne, là où il est resté bien plus stable en France. Ce n’est que dans les années cinquante et soixante que la situation s’est inversée grâce aux baby-boomers.
Au final, les sexagénaires allemands sont surreprésentés dans la pyramide des âges et les jeunes sont sous-représentés. Ce contraste est une particularité allemande qu’on retrouve beaucoup moins dans notre pays.
Conséquence logique du Baby-Boom, le nombre de personnes qui partiront à la retraite en Allemagne dans les années à venir sera plus élevé qu’il ne l’a jamais été dans l’histoire. Le nombre de personnes quittant le marché du travail sera presque deux fois plus important que celui des entrées. Ce n’est que dans les années 2030 que les chiffres se rapprocheront à nouveau. Cela s’accompagne d’une réduction drastique de la force de travail allemande.
des nouvelles technologies à la conquête de notre quotidien
« L’homme est l’être vivant le plus intelligent sur terre ». Nous avons sans doute souvent entendu cette phrase en cours de biologie. Mais est-ce vraiment vrai ? De nombreux chercheurs estiment que dans 20 ans déjà, cette information ne pourra plus être inscrite au programme scolaire. Ce n’est pas à cause d’une invasion extraterrestre, de la conquête du monde par les terminators ou d’un autre scénario de science-fiction. Non : le responsable est l’intelligence artificielle. On estime souvent que l’intelligence artificielle gagnera rapidement en importance au cours des prochaines années et qu’elle dépassera l’intelligence humaine dans les années 40. On appelle cet événement la singularité.
Avec l’arrivée massive de ChatGPT en 2022, l’intelligence artificielle a quitté pour la plupart des gens la dimension de l’abstrait pour prendre celle du quotidien.
L’impact de l’IA sur les entreprises allemandes
L’intelligence artificielle joue évidemment un rôle pour les entreprises. En Allemagne, une entreprise sur quatre l’utilise et une sur six prévoit de l’utiliser dans les mois à venir. Pour comparaison en 2023, seul 1/8 des entreprises allemandes utilisait l’IA et un dixième le prévoyait .
Pour les ressources humaines, l’intelligence artificielle offre également, en combinaison avec d’autres techniques, de nouvelles possibilités intéressantes qui permettront au personnel RH d’effectuer le travail de manière plus rentable et plus rapide.
Les moteurs de recherche alimentés par l’IA permettent de trouver des candidats appropriés pour les entreprises en fonction de critères de recherche personnalisés. L’analyse automatisée des CV entre également en vigueur. Avec différents logiciels, il est possible de coupler différentes bases de données et systèmes pour les utiliser dans une stratégie commune. Il existe ainsi des systèmes capables d’extraire les données de Linkedin, de les insérer dans des logiciels RH et d’envoyer des e-mails automatisés en fonction des données collectées ou de gérer des offres d’emploi sur différents sites web en simultané.
Un nombre croissant d’emplois pourront également être remplacés par l’intelligence artificielle. Selon le cabinet de conseil McKinsey & Company, jusqu’à 30% des heures de travail pourraient être automatisées d’ici 2030. On part du principe que non seulement des postes seront perdus, mais aussi que de nouveaux emplois seront créés grâce à l’intelligence artificielle.
Diversité, antidiscrimination et inclusivité
Ce pays où on ne peut plus publier une offre d’emploi sans préciser qu’elle est aussi adressée aux non-binaires progresse davantage vers plus d’inclusivité et d’égalité. En Allemagne, les femmes gagnent en moyenne 18% de moins que les hommes. Selon l’Office fédéral des statistiques, 12% s’expliquent par des différences de temps de travail, de qualifications, d’emploi et d’autres facteurs. L’écart de rémunération entre les sexes en Allemagne est donc de 6% ou 18% selon la manière dont on le calcule.
La directive européenne « pour renforcer l’application du principe d’égalité de rémunération entre hommes et femmes » entre en vigueur dans ce contexte le 6 juin 2023, Il s’agit pour les entreprises d’adapter leurs structures salariales et de communiquer de manière plus transparente sur les rémunérations. L’objectif à long terme est de contribuer à l’équité salariale entre les hommes et les femmes, les différents groupes d’âge et les régions.
Cette directive doit être appliquée dans le droit national avant le 7 juin 2026.
Quels enseignements pour nos propres entreprises ?
En conclusion, nous pouvons faire de nombreux parallèles entre les enjeux RH de l’Allemagne et de la France.
Les constats partagés dans cet article montrent cependant des événements beaucoup plus marqués, liés à la culture et l’histoire de ce pays.
Cependant, cela montre aussi de vrais enjeux business pour ce pays, et l’opportunité d’intégrer ces éléments dans des contextes RH transfrontaliers.
En effet, les entreprises allemandes rechercheront des solutions au manque de main d’œuvre dans ses pays voisins, dont la France.