Le télétravail est passé par tous ses états cette année. D’abord décrié, toléré, puis imposé avec le confinement, ensuite juste recommandé, il est maintenant à favoriser grandement. Si ses mérites sont souvent vantés, beaucoup ont aussi mis en avant les inconvénients du dispositif. L’argument choc étant les risques psycho-sociaux d’une pratique trop intensive de ce télétravail.
Alors quels sont les véritables risques du télétravail ? Quels enjeux RH sont liés au télétravail en cette seconde vague ? Mais surtout comment y palier au maximum ? On vous donne notre analyse et nos tips dans cet article !
Les enjeux du télétravail en chiffres
De nombreuses études ont eu lieu depuis le confinement et le déconfinement en lien avec le télétravail :
- 1 français sur 7 est en télétravail au mois de septembre contre 24%, soit 1 sur 4, pendant le confinement (source Figaro). Mais le gouvernement et les démarches sanitaires incitent à revenir vers ce dernier chiffre.
- 84% des DRH disent prioriser la gestion des mesures de prévention liées au Covid et 69% affirment que le télétravail est le principal chantier de la fin 2020. Source : Les Echos 1er octobre 2020.
- Le télétravail pourrait finalement concerner jusqu’à 8,5 millions d’emplois (source FranceTVinfo).
- 45 % des salariés ressentent plus de fatigue (physique comme psychologique) source : enquête Ifop pour Malakoff Humanis.
- 62 % d’entre eux ont subi un changement de rythme de travail (accélération pour 40 %, ralentissement pour 22 %). Source : enquête Ifop pour Malakoff Humanis.
Et on ne cite pas les centaines d’autres articles d’actualité qui mettent en avant ce sujet comme un enjeu majeur RH de cette année !
Mais qu’est-ce qui freine tant les entreprises de passer à l’acte ? Pourquoi ont-elles fait volte-face rapidement à la sortie du confinement, accélérant ainsi la seconde vague que nous sommes en train de traverser? Les raisons se portent sur les risques de cette pratique, qui sont notamment psycho-sociaux.
Les risques psycho-sociaux du télétravail
Qu’en est-il du monde d’après tel qu’on se l’était imaginé pendant le confinement ? Alors que managers et salariés s’entendaient pour pérenniser le télétravail, les précédents chiffres ont bien mis en exergue que la réalité est finalement assez proche du monde d’avant. Il est difficile de changer les vieilles habitudes qui sont rapidement revenues.
Côté managers et dirigeants, la nécessité de « contrôler » le salarié et s’assurer qu’il est bien en train de travailler est un argument souvent inavoué qui pousse à ce retour au bureau. De l’autre côté, le salarié, lui, retrouve une hygiène de travail qu’il n’avait pas toujours chez lui. C’est d’autant plus vrai pour ceux qui devaient garder leurs enfants ou partager l’espace de travail avec leur conjoint.
Mais ces précédents arguments ne sont pas nécessairement les plus inquiétants ! En effet, le risque réel au niveau du salarié est d’ordre psychologique.
D’ailleurs un sondage OpinionWay, réalisé pour « Les Echos » et Harmonie Mutuelle, a questionné les employés sur les impacts du télétravail :
Le télétravail crée-t-il de nouvelles causes de stress et autres risques ?
Cette étude met en exergue les principaux risques psycho-sociaux du télétravail.
Manque d’interactions
Quand vous êtes chez vous, vos collègues ne sont pas là. Bien sûr, les échanges peuvent être réalisés de manière virtuelle, voire même intensifiée. Mais le mot est bien « virtuel » et nous ne sommes pas tous égaux face au télétravail.
Alors que les générations Y et surtout Z se sont bien approprié les outils et vivent très bien les échanges, c’est une autre affaire pour les X. Et pour cause, leur mode d’échange relationnel, et notamment professionnel, s’est toujours basé sur l’échange « réel ». La poignée de main, la perception 3D, le regard (sans caméra intermédiaire) et même pour certains les odeurs, tous ces facteurs définissent pour beaucoup d’entre eux l’interaction.
Privées ainsi de leurs repères, ces personnes n’arrivent pas à considérer les échanges en ligne comme des interactions réelles, et souffriront ainsi d’un vide socio-professionnel.
Solitude
Seul à la maison pour travailler, il n’y a plus d’échanges spontanés dans le bureau. Les pauses cafés se font tout seul. Pas de ragot à partager. Le télétravailleur est seul dans sa bulle et est privé de relations sociales dans son environnement professionnel. Ainsi, les personnes habituées à de forts échanges sociaux au travail, se retrouvent brutalement isolées.
Temps de traitement de l’information
Sur ce point, il y a un vrai écart générationnel et technologique. Pour les habitués du tout digital, pas de gros changements à l’horizon. En revanche, pour ceux qui avaient l’habitude de gérer des échanges en courrier ou en direct, c’est plus compliqué. Effectivement ils se sont retrouvés bombardés de mails et autres messages informatiques, qu’ils ont du mal à prioriser et traiter. N’étant pas habitués, ils peuvent vite être dépassés et passer tout leur temps rien que sur leur boîte mail, sans vraiment d’autres alternatives.
Dans cette perspective, la salarié pourra être victime d’un burn-out.
Bore-out
A l’inverse du précédent point, certains collaborateurs peuvent être à l’aise avec les outils, mais sont sujets à d’autres problématiques. En l’absence physique de manager à leur proximité, et parfois avec la chute du nombre de contrats, ils peuvent se retrouver avec peu ou pas de mission. Cet ennui, outre le manque à gagner dans l’utilisation de l’énergie du collaborateur, peut le mener à un bore-out. En effet un salarié qui s’ennuie se sentira frustré et dévalorisé, il pourra perdre confiance en lui et se désintéresser de son emploi.
Notion du temps relative
Quand le bureau est à la maison, les horaires à respecter sont plus subtiles. Pas d’impératif de transport, d’heure d’ouverture de la cantine, … c’est la réalisation de la mission et la réponse aux clients/collaborateurs qui comptent. Et comme les échanges digitaux sont plus intempestifs que jamais, et qu’il faut compenser les pertes de CA par plus d’efficacité, ce temps s’en retrouve démultiplié.
Remise en question
La période du confinement a amené beaucoup de salariés à une profonde remise en question. Rappelez-vous nos grands rêves du monde d’après, notre questionnement sur l’utilité réelle de notre métier. Pour beaucoup, le quotidien n’est finalement pas très différent d’avant, avec les contraintes sanitaires en plus. Et pourtant, certains n’ont pas oublié, et sont en train de claquer la porte à leur vie d’avant pour un autre métier, ou un autre mode de vie ayant des impacts professionnels forts. Beaucoup se posent encore des questions et pourraient prochainement prendre des décisions majeures vis-à-vis de leur emploi actuel.
Charge mentale
Surtout chez les managers, la charge mentale est d’autant plus lourde que le cadre de travail est complétement différent en télétravail. Et pour cause, il faut manager des équipes et des projets, sans avoir les ressources près de soi. Le tout dématérialisé change la perception des managers qui doivent penser à tout et gérer avec des logiciels et process dont ils n’ont pas l’habitude. Sans oublier la pression habituelle des managers qui s’en voit décuplée.
Comment remédier aux risques psycho-sociaux du télétravail ?
Comme indiqué dans le dernier chapitre, les risques psycho-sociaux liés au télétravail sont nombreux et élevés. Et il est donc important pour les services RH et les managers de chercher des palliatifs.
Pour répondre en partie aux solutions, on reprend l’étude OpinionWay dans laquelle les salariés se sont expliqués :
Les améliorations attendues par les employés en matière de télétravail ? Comment éviter ou limiter les risques liés ?
Faire exprimer les émotions
Comme pour le virus lui-même, la prévention est le premier remède des maux liés au télétravail. Alors que certains pourraient n’avoir aucun effet, d’autres pourraient être particulièrement touchés, et ne pas oser en parler.
Ainsi, instaurer le dialogue entre le collaborateur et son manager est primordial.
Pour ce faire, des échanges téléphoniques réguliers (ou lors des jours travaillés) directement entre eux peuvent se faire et permettront au manager de s’assurer que leurs collaborateurs :
- se sentent bien dans le contexte de télétravail.
- disposent toujours de liens sociaux avec les équipes, mais aussi leurs proches (sans rentrer dans les questions personnelles mais simplement s’assurer qu’ils n’aient pas de problèmes de sociabilité qui pourraient avoir un impact indirect sur leur travail).
- réussissent à travailler convenablement.
- atteignent leurs objectifs.
- ne souffrent pas d’un des effets identifiés dans le précédent chapitre.
Alterner télétravail et présentiel
Cette solution semble la plus recommandée. A partir du moment où les mesures sanitaires sont applicables dans votre entreprise, vous pouvez alterner les journées de travail au bureau avec celles de télétravail. Il est conseillé aujourd’hui de compter une semaine de 2 jours de télétravail et 3 au bureau.
L’important reste d’alterner efficacement les 2, en s’assurant que chaque collaborateur puisse à un moment ou un autre croiser l’ensemble des membres de son équipe directe. Attention à l’inverse de ne pas regrouper trop de monde en même temps ! N’oublions pas que le but de toutes ces mesures est de limiter la propagation du virus.
Mettre en place des routines
Puisque la perte de repères est une cause des troubles liés au télétravail, un remède est d’en construire de nouveaux !
Il est important ainsi pour le collaborateur, sur conseil et assistance de son manager et les services RH, de créer des routines. Quelques idées, à adapter à votre entreprise et vos salariés.
- Déterminer des plages horaires consacrées à des missions récurrentes: traitement des mails, rappel des clients, points projets, tableaux de bords …
- Placer des pauses à des heures précises, elles peuvent être consacrées à un café en ligne, ou à des exercices physiques comme des étirements. Cela réduira au passage les risques de troubles musculaires liés à un manque d’exercice physique, souvent constaté en télétravail.
Se donner des temps d’échanges
Ces temps d’échanges peuvent faire l’objet de routines, avec la mission supplémentaire de maintenir un lien social entre les équipes.
L’idée est principalement de digitaliser la pause café dans le télétravail. Chez nous, on a appelé ça le « e-café ».
Ainsi, on peut imaginer des e-café, au travers de conf call ou dans un salon dédié de votre outil collaboratif (Teams, Discord, Slack, …).
Former aux nouveaux outils
Beaucoup des risques psycho-sociaux liés au télétravail sont liés à une incompréhension ou une mauvaise utilisation des nouvelles technologies.
Ici encore, un écart générationnel peut avoir lieu, mais il y a aussi beaucoup d’exceptions qui confirment la règle. Passer un peu de temps avec ses équipes, les challenger sur l’utilisation d’outils ou de missions impliquant du digital, peut être un bon moyen de détecter ceux qui ont besoin de complément de formation pour être à l’aise avec les outils digitaux du télétravail.
Former au management à distance
Manager à distance est bien différent de manager en présentiel. Que ce soit par la barrière de l’écran ou la fréquence plus réduit des échanges spontanés, il n’est pas aisé de réussir dans cette mission.
Des bonnes pratiques doivent être mises en place, avec des échanges réguliers, des outils de suivi, de la prévention sur les risques et comment les détecter chez ses équipiers, …
Que ce soit pour le management à distance, ou plus généralement pour le change management, vous pouvez contacter les équipes de Proevolution !
Manager avec les neurosciences
Pour comprendre les risques psycho-sociaux liés au télétravail, la lecture de cet article risque de ne pas être suffisante. En effet, le fonctionnement du cerveau explique pourquoi et comment les changements liés au télétravail font basculer les modes mentaux de vos salariés et créent ces troubles.
Ainsi les neurosciences apportent des réponses aux managers qui sont mieux équipés pour comprendre et savoir répondre à ces risques, notamment dans la gestion du stress en période de pandémie .
Donner du sens
Il est impératif pour toutes les entreprises de répondre à la question du sens. Pourquoi travailler pour cette entreprise ? Pour gagner sa croûte n’est plus une raison suffisante, elle sera tout au plus temporaire.
Avec les nouvelles générations au travail, les perspectives ont changé. Et la crise sanitaire a remis avec elle les questions du mode de consommation et de la responsabilité de chacun. Son entreprise doit donc s’inscrire dans cette réflexion que ce soit pour sa marque employeur, ou plus globalement pour s’assurer que le collaborateur sache pourquoi son travail contribue au bien commun.
Comment répondre à la question du sens ?
Commencez par bien identifier et valoriser auprès de tous vos valeurs. Ensuite, mettez en place des actions concrètes qui prouvent votre engagement dans ces valeurs.
Par exemple, vos valeurs sont écologiques ?
- Mettez en avant le tri en place dans l’entreprise,
- Offrez des thermos personnelles aux salariés,
- Bannissez tout produit plastique
- Fournissez-vous auprès de prestataires qui produisent en local
Autre exemple, si vous misez sur le bien-être des équipes :
- Adaptez les horaires de chacun à leurs impératifs personnels
- Mettez à disposition des équipements pour qu’ils travaillent dans de bonnes conditions, à commencer par l’ordinateur
- Sensibilisez-les à de bonnes pratiques de santé, comme les étirements réguliers
- Prévoyez des séminaires distrayants (c’est possible même en télétravail, par exemple en intégrant le jeu vidéo ou les escapes games virtuels)
Quels sont les bénéfices du télétravail ?
A vous parler des risques du télétravail, on en oublierait presque les vertus. Il est donc bon de rappeler à toutes les entreprises les bons résultats constatés par beaucoup lors du confinement.
Pour les illustrer, et toujours selon la même étude OpinionWay, les répondants ont aussi constaté un gain d’efficacité dans le télétravail.
Qu’est-ce qui permet de gagner en efficacité quand on est en télétravail ?
Une fois la prévention mise en place et le suivi assuré par le manager et les services RH, le télétravail va montrer toutes ses opportunités :
- Gain de temps : sans les transports, les collaborateurs gagnent parfois des heures qu’ils vont plus spontanément consacrer au travail.
- Autonomie : remis à lui-même, mais bien managé, le collaborateur saura mieux se connaître et adapter son travail pour être plus efficace.
- Rapprochement familial : le collaborateur passera au final plus de temps avec sa famille et en sera plus épanoui et donc plus reconnaissant.
- Digitalisé : finies les excuses pour ne pas utiliser la puissance des outils digitaux ! Passée la période d’appropriation de ces outils, les collaborateurs, même les plus âgés et réfractaires, pourront reconnaître la force de ces outils. Il en sortiront plus efficaces et plus créatifs.
Sur ces conseils, à vous de jouer ! Et si vous avez besoin d’aide, nos équipes sont là pour cela !